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Biographie de Bruce Springsteen

La biographie suivante est issue de l'ouvrage «Le Dictionnaire du Rock» – coffret en trois volumes – publié sous la direction de Michka Assayas.(Collection Bouquins,© Editions Robert Laffont, 2000)

 

Bruce SPRINGSTEEN

 

Chanteur de rock, pop et folk américain, né le 23-09-1949 à Freehold, New Jersey.

 

Un des chanteurs de rock les plus populaires dans le monde, ce musicien du New Jersey a su créer une synthèse d’à peu près toutes les musiques populaires aux Etats-Unis dans les années 50 et 60, du rock’n’roll au blues-rock, en passant par le doo-wop, la soul, le rock italo-américain, les girl groups de Phil Spector, sans doute l’influence majeure de ses débuts avec Bob Dylan, la country et le folk. Interprète des joies et des peines des gens simples des petites villes et des banlieues, parolier toujours juste et émouvant, il a évolué avec son pays vers une mélancolie et un désespoir crépusculaire qui l’ont amené à chanter avec retenue dans un climat d’intimité.

 

Fils d’un ouvrier d’usine devenu chauffeur de bus et d’une secrétaire, Bruce Springsteen connaît dans sa petite ville natale du New Jersey une enfance prolétaire qu’il évoquera plus tard de façon détournée dans un grand nombre de ses compositions. Précoce, il reçoit un choc en voyant Elvis Presley à l’«Ed Sullivan Show» en 1956. Dès lors il se gave de musique, donnant d’abord sa préférence à Elvis et à Chuck Berry avant de s’enthousiasmer pour les productions de Phil Spector — Ronettes avant tout — et les Four Seasons, puis pour les groupes anglais, Beatles et Rolling Stones en tête, puis encore pour la musique soul qui l’influencera de façon décisive. Il se met à travailler la guitare à treize ans ; la première chanson qu’il arrive à jouer est, dit-on, «Twist And Shout», qu’il reprendra plus tard sur scène avec un plaisir évident. De 1965 à 1967, il fait partie d’un groupe de lycéens, les Castiles, dont il n’existe pas d’enregistrements officiels. Après la séparation de ces derniers, il fonde Earth qui au fil des ans est rebaptisé Child, puis Steel Mill. Le groupe, dont la musique est visiblement très influencée par Cream et Jimi Hendrix, rencontre un certain succès au New Jersey, et même à San Francisco ; avec quelque inconséquence, Earth repoussera alors une offre de contrat du tout-puissant Bill Graham avant de se séparer en 1971.

Après l’éphémère épisode de Dr.Zoom & His Sonic Boom, le chanteur fonde le Bruce Springsteen Band, la matrice du futur E Street Band. Les rapports entre Springsteen et son groupe sont à l’origine du surnom qu’on lui connaît : le chanteur payait ses musiciens à date fixe, en y mettant les formes ; dans ces occasions-là, ils l’appelaient par dérision «le Patron» («The Boss»), terme que les médias ont repris plus tard en le chargeant d’un sens tout différent. Avec cette nouvelle formation, il joue des classiques du rock et de la soul, ainsi que des originaux, essentiellement des chansons folk électrifiées qu’il interprète aussi tout seul, s’accompagnant à la guitare ou au piano, dans les bars et les cabarets de Greenwich Village. Il attire l’attention de Mike Appel, qui devient son manager ; ce dernier parvient à susciter l’intérêt de John Hammond des disques Columbia, celui-là même qui avait recruté Bob Dylan en 1961, et lui obtient un contrat pour plusieurs albums. Appel et Hammond seront d’ailleurs dans un premier temps persuadés d’avoir mis la main sur le «nouveau Dylan», étiquette lourde à porter et qui ne convient pas du tout à Springsteen, lequel attendait surtout de son contrat les possibilités financières de tourner avec son groupe au complet.

Le premier album, Greetings From Asbury Park. N. J., sorti début 1973, procède donc d’un malentendu. Un compromis entre Springsteen et son management aboutit à la conception de ce disque mi-acoustique mi-électrique. Le phrasé de Springsteen dans certains morceaux et, surtout, les paroles de ses chansons, surchargées d’images et de jeux sur les sonorités, incitent la critique à reprendre à son compte l’embarrassante comparaison avec Dylan. Le vrai problème que pose ce disque vient cependant plutôt d’une production un peu maigre, ce qui est regrettable quand on pense au groupe qui l’épaulait alors : Clarence Clemons était déjà là au saxophone, ainsi que Garry Tallent à la basse, Vini [Vincent] Lopez se chargeant de la batterie et David Sancious du piano. Ce disque a beau être imparfait, Springsteen n’y a pas moins d’emblée trouvé sa formule : servies par sa voix âpre, se succèdent des chansons résonnant comme des hymnes («Blinded By The Light», un futur n°1 pour l’Earth Band de Manfred Mann en 1976) ou des ballades mélancoliques («The Angel»), une combinaison déjà caractéristique de la plupart de ses futures réalisations. En attendant, l’album, hors du New Jersey, ne se vend guère.

Le deuxième, The Wild, The innocent & The E Street Shuffle, est publié à la fin de cette même année ; il recevra un excellent accueil critique, particulièrement dans les colonnes du magazine Rolling Stone. De fait, c’est un disque fascinant, le plus expérimental sans doute de toute l’oeuvre de Springsteen. Les compositions sont plus longues et complexes, et l’influence de la soul est cette fois très nette, notamment dans «Rosalita». Le son est meilleur que pour l’album précédent. et l’ombre de Dylan a été, sinon conjurée, du moins éloignée. Il s’agit néanmoins d’un second échec commercial, peut-être dû au fait que les nouvelles chansons se prêtaient assez mal à des passages répétés à la radio. Avec son groupe, augmenté de Danny Federici aux claviers et à l’accordéon, et alors seulement baptisé l’E Street Band, le chanteur reporte toute son énergie dans les concerts : il se forge alors cette exceptionnelle réputation scénique dont il ne se départira plus. Ses spectacles, longs de deux à trois heures, sont autant de célébrations débridées du rock’n’roll, à une période où la pop-rock plaisante et sophistiquée d’Elton John domine les ondes, et que la musique progressive passionne la presse spécialisée. C’est à la suite d’un de ces concerts épiques, en mai 1974, que le critique de Rolling Stone Jon Landau aura cette phrase demeurée célèbre : «J’ai vu mon passé rock’n’roll apparaître devant mes yeux en un éclair... J’ai vu l’avenir du rock’n’roll, et son nom est Bruce Springsteen.» Aux carrefours du folk, de la soul et du rock pur, le chanteur semble de fait représenter une synthèse pleinement réalisée des différentes traditions de la musique populaire américaine.

 

Chez Columbia, on attend dès lors beaucoup, sinon tout, de Bruce Springsteen : qu’il sorte enfin, en tout cas, un disque à la hauteur de ses prestations scéniques. Ce disque sera Born To Run (1975) : couvert d’éloges par la critique, il est également un phénomène médiatique. En ces temps où Elton John se montre en fourrure argentée et tenues pailletées, Springsteen est une star du rock qui détonne : il porte un blouson de cuir fatigué, un jean et un tee-shirt, ce qui paraît un rappel à la vérité et à l’authenticité oubliées du rock. Springsteen fait la couverture de Time et de Newsweek, et Born To Run se classe au n°3. Fruit d’une longue collaboration entre Springsteen et Jon Landau, entre-temps devenu son producteur et manager, cet album met un son d’une ampleur à la Phil Spector au service de compositions d’une grande densité dramatique. Le morceau-titre, qui a failli devenir l’hymne officiel de l’Etat du New Jersey, est particulièrement caractéristique de sa manière dans ce qui paraît être à première écoute un hymne héroïque porté par une production emphatique, Springsteen chante en fait une jeunesse flouée, dérisoirement exaltée par des mythes impossibles à rejoindre et qui en réalité l’écrasent («At night we ride through mansions of glory in suicide machines...» « La nuit, nous roulons entre des palais de gloire dans des machines à suicide»). A l’énergie du rock classique, Springsteen joint la conscience sociale qui caractérise le folk, le tout avec un son et des thèmes parfaitement contemporains : ce sera là sa force, tout au long de sa carrière. L’E Street Rand, que rejoint le guitariste «Miami» Steve Van Zandt et où Sancious et Lopez ont été respectivement remplacés par Roy Bittan et Max Weinberg, repart en tournée, et Springsteen se produit alors pour la première fois en Europe.

 

Entre 1975 et 1978, le chanteur, en procès avec son premier manager Mike Appel, devra passer trois années sans enregistrer. Ne sachant que faire des chansons qu’il accumule (on estime qu’il en a composé quatre fois plus qu’il n’en a enregistré), il commence à les distribuer à différents interprètes. Les plus fameuses sont sans aucun doute le très accrocheur «Fire» (1978), qu’il voulait attribuer à Elvis Presley, mais qui échoit finalement à Robert Gordon, repris aussitôt par les Pointer Sisters qui en font un succès, et l’imparable «Because The Night» (1978) que Patti Smith aurait pratiquement volée à son auteur en en remaniant les paroles. Springsteen se montre très généreux avec Southside Johnny (huit morceaux seront répartis sur ses trois premiers albums) et son idole de jeunesse Gamy U.S. Bonds (à qui il offrira onze morceaux sur deux albums). Il laissera aussi à Greg Kihn, Little Bob Story, Waren Zevon, Dave Edmunds, Stevie Nieks (de Fleetwood Mac) ou encore Joan Jett (la liste n’est pas exhaustive) quelques-uns de ses meilleurs titres.

Trois ans après Born To Run, paraît en 1978 le très attendu Darkness On The Edge 0f Town. Le titre («Obscurité au bord de la ville» en donne le ton : Springstecn y est beaucoup plus sombre et amer que dans le disque précédent. Il y chante les désillusions et la vie sans joie de ceux qui sont passés à côté du «rêve américain». La composition des morceaux va en se simplifiant, et cette tendance se confirmera par la suite. Pour beaucoup, c’est là son meilleur disque, où explose l’inoubliable «Candy’s Room». Après sa participation, en 1979, à l’album No Nukes («Non à l’énergie nucléaire»), il publie fin 1980 le double album The River, qui restera le disque le plus pop de sa carrière, avec des moments d’insouciance, même, inattendus. L’album se classe n°1 aux Etats-Unis et lui permet d’asseoir définitivement sa popularité dans les pays qui lui restaient à conquérir, dont la France. Particulièrement éclectique dans les climats comme les tempos, il contient le fameux «Hungry Heart». Il faut signaler qu’à partir de cette période, les 45 tours seront souvent pourvus de faces B inédites, toujours intéressantes et parfois d’un intérêt primordial («Be True», «Pink Cadillac», «Roulette»...).

A la fin de la tournée de promotion de The River, Bruce Springstcen donne six concerts de charité au profit des anciens combattants du Vietnam. On le verra très souvent par la suite apporter son soutien à des causes politiques et humanitaires, prenant part, en 1988 notamment, en compagnie de Peter Gabriel, Tracy Chapman et Sting, à la tournée «Human Rights Now !» qui attirera plus de 1 million de spectateurs. Dans le même esprit, il convient de noter sa participation, en 1985, à deux enregistrements collectifs à visées humanitaires, l’un («We Are The World») sous le nom de USA For Africa, l’autre («Sun City») sous celui d’Artists United Against Apartheid.

Après avoir enregistré, puis abandonné deux albums entiers, Bruce Springsteen surprendra beaucoup avec Nebraska, publié à la fin de l’année 1982. Il s’agit d’un album solo acoustique, enregistré chez lui sur un quatre pistes et à peine retouché par la suite. Faisant le choix du plus strict dépouillement, il y chante le chômage, l’Amérique des perdants («Now I’ve been lookin’ for a job but it’s hard to find / Down here, it’s just winners and losers and don’t get caught on die wrong side of that line» «À présent, je cherche un boulot mais c’est dur à trouver / Par ici, il n’y a que des gagnants et des perdants et il ne faut pas se faire prendre du mauvais côté de la ligne»), le désespoir quotidien qui accule certains à la criminalité («Johnny 99», que reprendra Johnny Cash). C’est en somme un simple recueil de chansons, difficile à apprécier pleinement si l’on n’en saisit qu’imparfaitement les paroles.

En 1984, Springsteen publie Born In The U.S.A., le plus direct et le plus commercial de tous ses albums, aux antipodes du précédent : sept 45 tours en seront tirés, et il se classera n°1 aux Etats-Unis, se vendant à plus de 20 millions d’exemplaires dans le monde entier. Comme dans le cas de Born To Run, une écoute distraite de la chanson-titre pourrait faire croire à un hymne enthousiaste à l’Amérique, alors qu’il s’agit en réalité d’un morceau sur les retombées psychologiques de la guerre du Vietnam ; même les conseillers de Ronald Reagan s’y sont laissé tromper, allant jusqu’à demander au chanteur la permission de se servir de cette chanson à des fins électorales. «Miami» Steve Van Zandt cède alors la place à Nils Lofgren après l’enregistrement du disque et avant la gigantesque tournée mondiale (longue de plus d’un an) qui suit.

 

A la suite de cette tournée et à l’initiative de Jon Landau, Springsteen se met à travailler à un album live attendu par tous ses admirateurs. A défaut d’enregistrements officiels, on trouve alors sur le marché plus de deux cents albums pirates, dont beaucoup de doubles, de triples et de coffrets. Pour faire face à cette concurrence, est enfin mis sur le marché, à la fin de l’année 1986, le monumental Live 1975-1985 (cinq vinyles ou trois CD). En dépit de son prix, il restera sept semaines au n°1 des classements américains. C’est l’apogée pour Springsteen, qui est alors l’artiste qui gagne le plus d’argent au monde. Remarquablement cohérent, compte tenu du fait que les chansons retenues proviennent d’une vingtaine d’enregistrements différents, le disque allonge de quelques titres la discographie de son auteur, comme la reprise de «War» d’Edwin Starr, choisie comme premier 45 tours.

Un an plus tard, Springsteen, toujours indifférent à toute logique commerciale, publie Tunnel 0f Love (1987), un album où dominent ballades et morceaux teintés de country. Aussi différent qu’il soit de Born In The U.S.A., l’album se classera une fois encore en tête des classements américains : on a alors le sentiment que, quoi qu’il fasse, il est suivi par son public. De 1988 à 1991, exception faite de quelques participations occasionnelles à des albums collectifs, notamment à The Last Temptation Of Elvis (1990), où il reprend avec bonheur «Viva Las Vegas», on n’aura plus guère l’occasion de l’entendre. Au cours de cette période, il divorce, après seulement quatre années de vie commune, de l’actrice-mannequin Julianne Phillips pour épouser sa choriste Patti Scialfa, et il semble que sa vie privée l’accapare alors plus que par le passé. Fin 1989, tombe la nouvelle de la séparation entre le chanteur et l’E Street Band : une page semble tournée.

 

Springsteen revient au printemps 1992 avec deux albums distincts publiés simultanément : après avoir achevé Human Touch, sceptique, il a éprouvé le besoin de retourner en studio pour y enregistrer, au dernier nioment et en quelques semaines, les dix morceaux de Lucky Town ; un album présenté comme étant particulièrement destiné aux vrais fans, tandis que Human Touch vise plutôt le grand public. Ce dernier est reçu avec quelque tiédeur, la critique l’ayant jugé à juste titre d’une inspiration inégale. Lucky Town, en revanche, est de nouveau une très belle réussite : les paroles y sont meilleures, l’accompagnement, p1us simple, est aussi plus efficace et l’équilibre entre ballades et morceaux plus enlevés est mieux réalisé. Les concerts de la tournée qui suivra ne seront plus aussi triomphaux que par le passé, et le disque live in Concert-MTV Plugged (1993) — qui, enregistré à la fameuse émission «Unplugged», n’est pourtant pas un album acoustique - ne peut guère rivaliser avec le coffret paru sept ans plus tôt. C’est avec le succès du morceau «Streets 0f Philadelphia» (1994) que Springsteen renouera tout à fait avec son public, et la compilation Greatest Hits, sortie l’année suivante (et comportant quatre inédits enregistrés avec l’E Street Band reformé pour l’occasion), sera son cinquième n°1 aux Etats-Unis. The Ghost Of Tom Joad (1995), sous-titrè «Douze chroniques sur les oubliés de l’Amérique», qui suit de près la même année, révèle que Springsteen a su rester un compositeur hors pair : l’album, où il invoque le fantôme du héros des Raisins de la colère de John Steinbeck, est en quelque sorte un nouveau Nebraska, plus mélodieux et plus accessible toutefois, qui fait pleinement réaliser quel remarquable conteur peut être Springsteen quand il se saisit de sa guitare sèche. Le très bon accueil fait au morceau «Dead Man Walkin’» en 1996 confirme ce retour en grâce. Fin 1998, un coffret de quatre CD intitulé Tracks, comportant en tout soixante-six chansons, a réuni un choix de morceaux laissés de côté depuis les débuts de sa carrière enregistrée, disponibles en faces B de 45 tours ou donnés à d’autres interprètes : on peut y découvrir notamment ses propres versions de «Hearts 0f Stone» (pour Southside Johnny) et «Rendez-vous» (pour Greg Kihn). La qualité y est constante et on n’y trouve rien de faible ni d’ennuyeux. Au printemps 1999, Springsteen a remis sur pied l’E Street Band pour une tournée mondiale.

Tout à la fois chanteur et compositeur de rock d’exception et écrivain-chroniqueur, superstar fêtée par des foules comblées et conscience sociale de l’Amérique, Springsteen aura su traverser vingt-cinq ans de carrière en prenant en somme tous les risques, et sans avoir rien perdu aujourd’hui de son prestige ni même de son actualité. De tels parcours ne sont guère courants dans l’univers du rock.

 

Ecrit par blackben, le Mardi 2 Septembre 2003, 21:57 dans la rubrique "5. Biographies".
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